Spectre : James Bond vieillit bien


Après trois ans d’attente, le plus mauvais espion de l’histoire est enfin de retour. Parce que oui 007 c’est l’espion qui est absolument incapable de rester sous couverture plus de dix minutes, sans aucune notion de discrétion, d’effectuer un assassinat ciblé sans détruire la moitié d’une ville (en l’occurrence Mexico City…), qui tue devant des centaines de milliers de témoins (la fête des morts au Mexique)… C’est même, on peut le dire, un bourrin psychopathe (pourquoi diantre tuer le pilote de l’hélicopter dans lequel on se trouve au risque de mourir soi même ?), qui, entre deux meurtres de sang froid à la justification parfois douteuse, passe son temps à draguer et à picoler au lieu d’enquêter. Mais c’est ce qui fait le charme de la franchise. Et c’est également ce qui fait le charme du cycle Daniel Craig : c'est-à-dire remplir le cahier des charges tout en innovant par une noirceur et une autodérision toutes deux inattendues.


J’avais décidé de ne pas avoir d’attentes trop ambitieuses pour ce dernier film car on pouvait n’être que déçu après Skyfall. En effet Sam Mendes, qui vient du cinéma indépendant, et qui a su imposer sa touche au sein d’un blockbuster très normé, a probablement réalisé avec Skyfall le meilleur James Bond : c’est-à-dire qu’il a fait un bon film (ce que ne sont pas les James Bond en général, il faut être un peu honnête). Difficile de faire mieux que Javier Bardem, à l’homosexualité plus que suggérée, flirtant avec l’agent 007, écoutant Charles Trenet sur son île, réalisant une attaque à l’hélicoptère sur une bande son signée The Animals, et mettant Bond en échec.

De ce point de vue Christoph Waltz, qui excelle en rôles de méchant, était un bon choix pour succéder à un géant tel que Javier Bardem. Toutefois malgré tous ses efforts, l’aberrante stupidité de ses motivations (classique de la série…)  rend le personnage (et la trame…) plus creux et l’empêche de devenir un des rôles mémorables.

Avec Spectre Sam Mendes continue sur la ligne qu’il a lancée mais n’innove plus. L’humour est toujours aussi présent (scène de la souris) et le réalisateur prend toujours le même malin plaisir, partagé avec le spectateur, à « troller » le personnage culte. S’ils sont toujours misogynes (après nous avoir fait croire qu’elle maîtrise le combat à mains nues, la pauvre Léa Seydoux est mise KO en une baffe), les nouveaux James Bond ne sont plus racistes, et c’est déjà une bonne chose (je revoyais il y a quelques semaines le premier James Bond, James Bond contre Dr No, qui est, il faut bien le dire, un affreux navet réactionnaire dont l’apologie du viol est à peine masquée).

Si Spectre n’atteint pas le sommet du précédent volet, ce qui fait le plaisir d’un James Bond est bien présent et réussi : des scènes d’actions très maîtrisées (beau plan séquence introductif), bon choix de James Bong Girl (Monica Belluci, qui méritait quand même un rôle un peu plus conséquent…, et Léa Seydoux)… 

 

Si le scénario, on l’a dit, est mauvais, simpliste, et confus, on note toutefois l’intérêt bienvenu pour les évolutions récentes du renseignement, c’est-à-dire l’émergence d’une société de surveillance de masse, maladroitement justifiée par le risque terroriste, et ses dangers pour la démocratie.

 

Si Spectre n’atteint jamais la réussite du précédent volet, Sam Mendes maintient la double tonalité qui a fait son succès, c'est-à-dire une noirceur (très post -11 septembre) proche de la nouvelle vague de blockbusters hollywoodiens inaugurée par Christopher Nolan, mêlée à une autodérision et une nostalgie très appréciables. Bref Spectre n’est pas un très bon James Bond, mais un divertissement à la mise en scène soignée, un film d’action fun et efficace. 

Anatole 

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